Dans les années 70, Ugo Mulas avait effectué une recherche sur les fondamentaux de l'acte photographique qu'il avait nommée Le Verifiche. Publiées dans les dernières pages de La Fotografia (Einaudi Letteratura, 1973), Le Verifiche s'ouvraient sur l'image de la planche-contact d'un film vierge sous une plaque de verre, en hommage à Nicéphore Niepce ; elles se refermaient sur l'image de la même planche-contact dont le verre avait été brisé, en hommage à Marcel Duchamp.
Fasciné par ce travail, je tentais de lui donner une suite en partant de l'éthymologie grecque du mot photographie : ÉCRIRE AVEC LA LUMIÈRE.
En 1990, un éditeur de livres photographiques me commande une série de planches-contact sur les capitales des 12 pays qui devaient former en 1992 la Communauté européenne. Pendant 18 mois, je parcours en camping-car l'Italie et la Grèce, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, l'Allemagne et le Danemark, la Grande-Bretagne et l'Irlande, l'Espagne et le Portugal et réalise plusieurs dizaines de planches-contact. Le livre n'a jamais vu le jour : la crise économique engendrée par la première guerre du Golfe avait entre temps eu raison des ressources de l'éditeur.

L'idée consiste à mélanger, à fondre ensemble des contraires, à jouer sur les oppositions : homme/femme, nu/habillé, noir/blanc, présent/absent, etc.
J'ai donc découpé en fines bandelettes les tirages argentiques de mes sujets opposés. Je les ai ensuite tressées pour recomposer une image finale hybride.

Inspiré par l'exposition From Here On présentée aux Rencontres d'Arles en 2011 et ayant déjà l'idée de recueillir via les moteurs de recherche du réseau les ingrédients visuels permettant de raconter des histoires imagées, j'ai commencé à conserver tous les soirs, à l'heure où le quotidien Libération est en phase de bouclage, les images en 460 pixels de large présentes sur le site web du journal.
Empilées sur des calques Photoshop dans le même ordre vertical que celui de leur apparition à l'écran, j'affecte à chaque image un mode de fusion identique, une première fois pour obtenir une pile "Différence" et une autre fois pour obtenir une pile "Lumière tamisée". Les images finales s'apparentent à une compression des faits saillants de la journée.
Comme dans la réalité, le mode de fusion "Différence" donne une image riche et lisible, chatoyante et variée. Le résultat obtenu avec le mode de fusion "Lumière tamisée" est plus mystérieux, plus sombre : il fait d'ailleurs souvent ressurgir comme par magie, l'image du fond de la pile.
Ce principe est à rapprocher de celui utilisé avec les mots du jour par Yan Kukucka sur son blog très divertissant, Revue de pressé présenté sur le site de Libération de août 2011 à janvier 2012.

Il est amusant de reconnaître dans un visage l'héritage formel légué par les parents. Ce mélange subtil est plus souvent perceptible par l'entourage que par le sujet lui-même. Ainsi la forme du nez paternel se fond avec la coupe des yeux maternels quand ce n'est pas la bouche ou la hauteur du front. Moins doué que la nature, j'ai pourtant tenté de dessiner le visage commun d'une famille en montant numériquement les détails de leurs visages ou d'une chorale réunie par pupitres.

Les alphabets, depuis l'enfance, m'ont toujours fasciné. Mon père, graphiste-dessinateur, travaillait à la maison pour des agences de publicité.
Les alphabets constituent des séries d'objets-images, toutes différentes les unes des autres. Quelqu'ils soient, ils composent pourtant des mots porteurs de sens.

La firme Polaroid n'existe plus aujourd'hui. C'est dommage. Ce support magique a pendant longtemps stimulé la créativité du monde des arts plastiques. Ce pur produit de l'industrie chimique pouvait toutefois générer des images uniques. Il avait même la capacité de perdre son aspect originel pour prendre celui de la lithographie ou de la gravure. Il nous reste la magnifique collection d'œuvres rassemblées au fil des ans et visibles sur le site de Polanoid.net.

Les grimaces dévisagent. Toujours avec l'idée de superposition de deux images, les différents états s'aditionnent pour nous rendre une autre réalité.